24 mars 2016

LE VILLAGE BIDJOCKA DOUBLEMENT HONORE A NGOG LITUBA.



Le Pr Narcisse MOUELLE KOMBI, Ministre des Arts et de la Culture et  Grand Notable de BIDJOKA, a reçu à Ngog Lituba, les attributs du pouvoir intemporel de la part d’un  imposant  collège des MBOMBOG  conduits par plusieurs ressortissants du village de BIDJOKA.  C’était à l’occasion de sa tournée de recensement du patrimoine matériel et immatériel de la province du Littoral.




Un voyage mouvementé

Peu de temps après son départ, un des véhicules de la délégation ministérielle est victime d’une panne. Après plusieurs tentatives de dépannage infructueux, le cortège va continuer sa route avec un véhicule en moins et près d’une heure de retard sur le programme prévu. Le reste du parcours se déroule sur une piste sinueuse et relativement accidentée, à travers les départements de la Lékié par Evodoula, du Nyong et Kellé par Nguibassal et de la Sanaga maritime par Kikot et enfin Nyambat. C’est effectivement dans ce village située au cœur du Canton BATI qu’est localisée NGOG LITUBA, la grotte sacrée des Bassa Bati Mpo’o.

Des atouts touristiques certains



Après une lente traversée de la forêt aux longs arbres limitant le champ visuel, l’horizon s’éclaircit progressivement à l’approche de la Sanaga, fleuve mythique et caractéristique de l’identité de la majorité des peuples bantous du sud Cameroun.  La Sanaga, ce fleuve aussi appelé fleuve Cameroun, qui tire sa source des froids plateaux du septentrion, puis s’étire le long de ses 918 Km, traversant au passage les quatre régions de l’Adamaoua, de l’Est, du Centre et enfin du Littoral pour se jeter dans les eaux humides de l’océan atlantique à Yoyo. Il faut toutefois relever que le potentiel économique et touristique de la Sanaga dans cette région reste inexploité. Ce fleuve qui se divise en de nombreux bras offre des possibilités certaines en termes de pêche, d’aquaculture et de pisciculture. L’aménagement de ses berges ensoleillées donnerait à ce paysage envoûtant des airs de Marina.




La traversée de deux imposants ponts sur la Sanaga entre Mbébè et Kikot, vient rappeler à notre souvenir la mémoire de tous ces valeureux camerounais, forçats anonymes, dont le sacrifice a permis ces grandes réalisations. Un exemple à méditer pour les générations présentes qui doivent comprendre le développement à un prix qu’il faut être prêt à payer!

A la découverte de NGOG LITUBA

Un mystère ou mieux une curiosité géologique ! Voilà les mots qui caractérisent le mieux Ngog lituba ou Ngog litua ou  encore Ngok lipondo selon que l’on est Bassa, Bakoko ou Bati. La présence d’un tel rocher au milieu d’une vaste plaine située en pleine savane intrigue. Selon certaines hypothèses, il s’agirait d’un météorite qui aurait atterri dans la zone il y a plusieurs milliers d’années. 




Selon plusieurs historiens, les ancêtres du peuple Bassa Bati Mpo’o, en compagnie d’autres groupes bantous, sont partis de l’Egypte pour échapper à la domination arabe, et sont venus s’installer dans les plateaux verdoyants de l’Adamaoua. Ils n’étaient cependant pas au bout de leurs peines car déjà fondaient sur eux les hordes djihadistes des  cavaliers fulani partis de l’émirat de Sokoto sous la conduite d’Adama.

C’était le début d’un nouvel exode qui s’achèvera au pied de la grotte sacrée. D’après la tradition, nos ancêtres étaient sur le point d’être rattrapés par leurs poursuivants sur cette plaine qui n’offrait pas de refuges naturels. C’est alors qu’ils aperçoivent subitement, tel un lapin sorti du chapeau d’un magicien, ce grand rocher comportant une petite ouverture sur un de ses flancs. Pris au dépourvu, ils décident d’y entrer avec la ferme intention d’y livrer un ultime combat. Cela ne sera pas nécessaire car leur ennemi, contre toute attente, avait rebroussé chemin. Mais que s’était-il donc passé pour qu’un ennemi si farouche batte aussi facilement en retraite. La raison est toute simple : à peine étaient-ils entrés dans la grotte que NGAMBI, l’araignée mygale, avait recouvert l’ouverture d’une épaisse toile d’araignée. Les assaillants en ont conclu que si des personnes avaient pénétré la grotte, ils auraient déchiré la toile d’araignée qui en obstruait l’entrée. 



A leur sortie, les ancêtres des peuples de la grotte ont compris qu’Hilolombi, le Dieu suprême, leur faisait comprendre qu’ils avaient atteint leur terre promise.  Tels les israélites au pied du Mont Sinaï, les bassa mpo’o bati posèrent les bases juridiques, militaires et spirituelles de leur nation avant de prendre possession de ce nouvel environnement. Au passage, l’araignée Ngambi était devenue un des supports utilisés dans le cadre des pratiques divinatoires. Ngog Lituba avait donc acquis le statut de rocher sacré, de sanctuaire, de point de rencontre avec le divin, son accès était désormais interdit aux profanes et non initiés. 









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Ngambi, l'araignée mygale.








Un accueil mémorable


Honorés de recevoir pour la première fois de l’heure histoire, un ministre de la république dans un lieu, la communauté toute entière s’est fortement mobilisée sous la coordination de MALET MA DJAMI Mal Djam, pour rendre cet évènement mémorable, et laisser à leurs hôtes un souvenir inoubliable.

Dès l’entrée dans la Sanaga maritime à Kikot, le ministre a été accueilli au sens des tam-tams et des chants de liesse par un impressionnant comité d’accueil constitué des populations, des autorités administratives, traditionnelles sous la conduite du préfet du département. 


Après un accueil tout aussi chaleureux au pied de la grotte à Nyambat, la cérémonie officielle a été ponctuée par les discours de circonstance et de bienvenue des différentes autorités. Prenant ensuite la parole pour son discours, le Pr Narcisse MOUELLE KOMBI a remercié le comité d’organisation ainsi que le parterre autorités présentes, des élites, des invités et des populations pour leur accueil chaleureux. Parlant de l’importance de Ngog lituba, le ministre des Arts et de la Culture a notamment déclaré :



« Nous sommes ici à Ngog Lituba, point d’ancrage d’innombrables parentés, lieu de convergence de multiples souvenirs, espace d’émergence de légendes, de mythes et de cosmogonies qui structure la relation de l’être Basaa-Mpoo-Bati avec son microcosme et son macrocosme.
Nous sommes en un lieu de sacralité et de haute spiritualité. En un lieu où s’affirment avec force l’originalité, l’identité et la singularité de la triple entité Basaa-Mpoo-Bati.
Ce lieu est un don du ciel. » 


La suite a été ponctuée par les prestations de nombreux groupes de danse et de musique qui ont rivalité d’adresse et de dextérité. On peut entre autres citer les prestations de Ngo Oum Touck et de Tony Belle de Petit Pays, dont on a découvert des origines dans la contrée.




Les femmes Bati à l'honneur

Danse avec les Minkuk
Quelques encouragements aux artistes















La cérémonie d’adoubement

Honorés par cette visite qui témoigne de la haute valeur patrimoniale de la grotte de Ngog lituba qui constitue son symbole le plus sacré, la communauté Bassa Bati Mpo’o a voulu marquer sa reconnaissance à travers de nombreux présents. Le ministre a ainsi reçu des œuvres d’arts confectionnés par des artistes locaux. Puis est venu le tour des MBOMBOG, des MPEPE et autres patriarches, lesquels ont, au cours  d’une cérémonie  d’une grande densité conféré au Pr MOUELLE Kombi les insignes du patriarcat en lui remettant une canne aux vertus spéciales appelée YAP, ainsi que le pagne des mbombog. 



Une Canne spéciale et un pli fermé des Mbombog  adressés au Chef de L’État.

Mais avant cela, les Mbombog lui ont demandé de transmettre leur gratitude au président de la république, son Excellence Paul BIYA. Joignant l’acte à la parole, ils ont demandé à monsieur le ministre de faire parvenir au Chef de l’Etat un document sous pli fermé ainsi qu’une majestueuse canne d’ébène sculptée enchâssée sur du métal rutilant.  



Le village BIDJOCKA doublement honoré

Il y a lieu de se réjouir de cette distinction qu’a reçu le Pr Narcisse MOUELLE KOMBI, par ailleurs Grand Notable à la Chefferie supérieure BIDJOKA au cours de deux cérémonies au cours desquelles il a reçu de nombreux attributs du commandement tirés du trésor royal. Rappelons que c’est BIDJOCKA BI TUM MAKAN a jadis régi cette grotte, en sa qualité d’unique Paramount Chief du peuple Bassa Bati Mpo’o à l’époque allemande, au terme d’une délibération du conseil des Mbambombog réunies en assemblée extraordinaire au village de Song Yayi au début du siècle dernier.

Le ministre recevant des Mbombog les attributs du pouvoir traditionnel Bassa.
 
Pour les ressortissants du village Bidjocka, signalons que la délégation des patriarches était conduite par le Pr François NGUIMBOUS. Celui-ci était assisté de M. PONDI SACK et de plusieurs de ses sujets. Au cours de la cérémonie, le Pr NGUIMBOUS a rappelé que Ngog lituba a été créé par HILOLOMBI, le Dieu Tout-Puissant, et que : « Na péna i ta bé, Mbagla i ta bé, Sonna bi tèl i ta bé. Na wa kos dik i i koli ni wé » (Ici il n’y a pas de disputes, pas de divisions, pas de de luttes de positionnement. Ici tu n’aura que ce que tu mérites…). C’est ainsi qu’il a invité l’évêque BOGMIS à venir dire le Notre Père, laquelle prière se termine par : « Délivre nous du Malin ». 


Il faut rappeler que le Pr NGUIMBOUS et sa suite sont tous des natifs de Bidjoka, village historiquement célèbre non seulement pour avoir produit BIDJOKA BI TUM, unique Chef supérieur des temps modernes à avoir règné sur l'ensemble du pays Bassa Bati Mpo'o, mais aussi pour été le terminus du premier tronçon du Chemin de fer construit par les allemands au Cameroun. C'est en hommage à l'oeuvre  du personnage éponyme sus cité que les allemands baptisèrent la gare du nom de BIDJOKA Dorf. Ce nom qui constitue un patrimoine national et international du fait des nationalités impliqués, a été injustement troquée par le nom abâtardissant  de Hikoa Malep et ce malgré une décision de justice non exécutée jusqu'à ce jour (lire l'article sur la Gare de Bidjoka).


En définitive les habitants de BIDJOKA ont doublement lieu de se réjouir de ce qu’une fois de plus, ce sont des rejetons du Village qui ont eu à honorer un des Nôtres. Comme à Ngog lituba, faisons notre cette devise  « A Bidjoka, il n'y a ni disputes, ni divisions. Ce que HILOLOMBI nous a donné, nul ne peut nous  l’arracher ». Bénissons tout le monde !

BEE BINKON.

Sa majesté Camille MOUTHE A BIDIAS et un autre Chef Bafia.


Le Mbombog et Chef Joseph Antoine BELL

Quelques rafraîchissements éthyliques
Un portrait du Pr Mouelle K. en fibres de bananier 





Recevant une carte illustré de la Sanaga maritime


Un coucher de soleil sur la Sanaga





Nous sommes ici à Ngog Lituba, point d’ancrage d’innombrables parentés, lieu de convergence de multiples souvenirs, espace d’émergence de légendes, de mythes et de cosmogonies qui structure la relation de l’être Basaa-Mpoo-Bati avec son microcosme et son macrocosme.






















Discours du Pr Narcisse MOUELLE KOMBI A NGOG LITUBA


DISCOURS DU MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE POUR LE LANCEMENT DE L’INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL DANS LE LITTORAL


  Le Pr Narcisse MOUELLE  KOMBI (Camille MOUTHE A BIDIAS en arrière plan)
(c) Photo: Laurentine Assiga- CT  

Nyanon le 27 février 2016

- Monsieur le Préfet du Département de la Sanaga Maritime ;
-Monsieur le Sous-préfet de l’Arrondissement de Nyanon ;
-Monsieur le Maire de la Commune de Nyanon ;
- Mesdames et Messieurs les Parlementaires ;
- Autorités Traditionnelles, notabilités coutumières et patriarches;
- Mesdames et Messieurs les Responsables politiques ;
- Autorités religieuses ;
- Distingués invités ;
- Mesdames et Messieurs ;


Une vue de la tribune
      
       L'évènement qui nous rassemble aujourd’hui est un moment que l’ardeur du soleil au firmament illumine de splendeur. Car là où le génie de l’homme se manifeste, brille toujours la lumière. La lumière pour montrer le chemin, pour guider sur les routes sinueuses et montueuses de l’arrondissement de Nyanon, dans la Sanaga-Maritime.

  La lumière qui a éclairé notre périple et qui nous a guidés maintenant, en ce village de Nyambat où nous procédons au lancement, pour le compte de l’année 2016, de l’Inventaire général du patrimoine culturel dans la région du Littoral.  
Cette cérémonie inaugurale m’offre la sublime opportunité de vous dire combien est intense mon plaisir et immense ma joie d’avoir, au nom du Ministère des Arts et de la Culture, à donner ici même, le coup d’envoi d’une opération phare de la feuille de route de notre département ministériel, telle que validée par le Premier Ministre, Son Excellence Philemon Yang qui, dans sa présentation du Programme économique, social et culturel du Gouvernement, a mis en exergue la poursuite de l’Inventaire Général du Patrimoine.
Carte de l'arrondissement de Nyanon.
L’émotion qui m’habite en vous le disant ici dans l’arrondissement de Nyanon, dans les parages du très emblématique site de Ngog Lituba, lieu d’héritage, de pèlerinage et de partage est profonde. Est profonde aussi, la reconnaissance que nous devons à vous tous, autorités administratives, chefs traditionnels, patriarches, élites, autorités religieuses, opérateurs culturels et populations, venus prendre part à la présente cérémonie. Je tiens à remercier tout particulièrement le dynamique comité d’organisation qui a mis toute son énergie en œuvre pour nous offrir un exceptionnel moment de liesse et d’allégresse. 

Je suis d’autant plus heureux d’y assister, en compagnie de certains de mes collaborateurs, que la consistance des activités est en parfaite résonance et concordance  avec les missions du Ministère des Arts et de la Culture. Lui qui est voué au développement de la créativité, à la préservation de la mémoire collective et à l’animation culturelle du Cameroun,  notre patrie, qui  est belle parce que plurielle.  


Mesdames et messieurs,

Le ministre des Arts et de la Culture à la découverte de la grotte sacrée NGOG LITUBA.

En effet, l’un des programmes les plus importants de notre département ministériel est celui lié à la conservation du patrimoine culturel matériel et immatériel, gage de la préservation et de la valorisation de notre mémoire collective. C’est dans cette optique qu’est engagé l’Inventaire Général du patrimoine. Une opération qui s’appuie fondamentalement, d’une part sur la loi du 18 avril 2013, régissant la patrimoine culturel au Cameroun et d’autre part sur deux instruments conventionnels majeurs de l’UNESCO : la convention du 16 novembre 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel  qui, reconnaissant l’interaction entre l’être humain et la nature et le besoin fondamental de préserver l’équilibre entre les deux, définit le genre de sites naturels ou culturels dont on peut considérer l’inscription sur la liste du patrimoine mondial. Et aussi la convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.


 Aux fins de la Convention de 1972, sont considérés comme éléments du patrimoine culturel matériel:
« Les monuments : œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d'éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science.
Les sites : œuvres de l'homme ou œuvres conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique ».

Sont considérés comme « éléments du patrimoine naturel » entre autres:  
« Les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique ».
Je souligne qu’il appartient à chaque État partie à la présente Convention d'identifier et de délimiter les différents biens situés sur son territoire et constituant le patrimoine culturel ou naturel.
 
Danseurs d'Assiko à l'oeuvre.
Par Patrimoine culturel immatériel, selon la convention de 2003, il convient d’entendre « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ».
Ainsi défini, le Patrimoine culturel immatériel, se manifeste selon la convention de 2003 notamment dans les domaines suivants :
-              Les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ;
-              Les arts du spectacle ;
-              Les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
-              Les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
-              Les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
 Le sèkèlé, l’assiko, le bissima, le mbongo tchobi, le ngambi, le nsong, etc. Certains rites de purification, de bénédiction, de divination ou d’exorcisme pratiqués dans les champs du Mpoo, du Mbog Liaa ou même du Ngondo ; le système des confréries, le concept de métamorphose d’hommes en animaux, en font éminemment et évidemment partie. 

Certains de ces savoir-faire et pratiques culturelles sont en voie de disparition. C’est pour cela qu’il est urgent de les identifier, de les cartographier et de les sauvegarder.
Ce travail d’inventaire du patrimoine dont les bases ont été posées il y a une quinzaine d’années par le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono, alors Ministre de la Culture, a été engagé dans l’aire Fang-Beti-Boulou et plus précisément dans la région du Sud et a été  amorcé dans les grass-fields avec des séminaires de sensibilisation des chefs traditionnels.
Cette opération mobilise diverses expertises : ethnologues, archéologues, anthropologues, musicologues, botanistes, architectes, etc.  


  Mesdames et messieurs,
Vous comprendrez pourquoi Ngog Lituba, lieu symbolique et emblématique, mieux que tout autre site touristique dans la Sanaga Maritime, a retenu l’attention du Ministère des Arts et de la Culture pour le lancement formel du projet d’Inventaire Général du patrimoine dans la région du Littoral.
De toutes les contrées du pays Basaa – Mpoo – Bati,  vous êtes venus nombreux et enthousiastes. Vous êtes partis de diverses localités du Cameroun et peut-être de l’étranger, portés par l’ardeur et la ferveur, pour une communion fraternelle et ancestrale, sur le site mythique de Ngog Lituba.  Il est exemplaire et salutaire, ce bel élan de solidarité, de convivialité et de cordialité. Elle est louable, cette initiative de rassemblement en un lieu de mémoire commune, des rejetons d’un même arbre généalogique, qui plonge ses racines et déploie ses frondaisons dans au moins trois régions : le Littoral, le Centre et le Sud et partant dans une dizaine de départements (dont la Sanaga Maritime, le Nyong et Kelé, le Nkam, le Moungo, le Wouri, l’Océan, la Mefou et Akono, le Mfoundi, etc.), à cheval sur les grandes aires culturelles dites Sawa et Beti-Fang-Boulou. Une communauté dont l’habitat autochtone s’étend des façades côtières et maritimes aux profondeurs de la forêt équatoriale, colonisant monts et vallées, plaines et plateaux, côtes et collines.


Une vue de la Sanaga à Kikot.
Un paysage riche et varié.





Cet arbre généalogique, nul ne l’ignore, a porté tout au long des générations, des fruits de délicieuses saveurs. C'est-à-dire des hommes et des femmes de qualité et de grande renommée : artistes, écrivains, hommes de science, universitaires, grands commis de l’Etat

Dignes fils et filles Basaa-Mpoo-Bati,  
Réjouissez-vous, de ce moment singulier de commémoration, de célébration et d’exaltation. Commémoration du mythe des origines. Célébration de l’unité et de l’identité particulière d’une communauté. Exaltation de valeurs traditionnelles et forgées par une histoire immémoriale, de références spirituelles héritées d’une transcendance  immarcescible.
Nous sommes ici à Ngog Lituba, point d’ancrage d’innombrables parentés, lieu de convergence de multiples souvenirs, espace d’émergence de légendes, de mythes et de cosmogonies qui structure la relation de l’être Basaa-Mpoo-Bati avec son microcosme et son macrocosme.
Nous sommes en un lieu de sacralité et de haute spiritualité. En un lieu où s’affirment avec force l’originalité, l’identité et la singularité de la triple entité Basaa-Mpoo-Bati.
Ce lieu est un don du ciel. Comme le disait le grand sage chinois Confucius « parce que le ciel est le fondement de toute chose, les ancêtres sont le fondement de l’homme ».
Une centaine de Bambombog et de Bapèpè étaient présents.
Les Bambombog et Bampèpè ici présents, ne le savent que très bien, eux qui ont confiance en la permanence et en l’immanence des ancêtres, eux qui ont conscience de ce qu’il ne faut jamais rompre la longue chaîne qui, à travers les ascendants, relie ombilicalement l’homme à son créateur, à Dieu (Hilolomb ou Nyambé). Dieu, le grand architecte de l’univers. Le foyer central et primordial, toujours clément et miséricordieux de nos cosmogonies.
Nous savons les Basaa-Mpoo et Bati, comme d’autres communautés du Cameroun en général et du Littoral en particulier, fiers de leur culture, profondément attachés à leur identité et jaloux de leur patrimoine.
Nul n’ignore qu’au nom du patriotisme et de l’attachement à leur patrimoine, de très nombreux fils de cette contrée ont payé un lourd tribut à histoire. Beaucoup ont consenti parfois au prix de leur vie, des sacrifices pour l’émancipation du peuple camerounais. La nation incarnée par le Président Paul Biya, a eu à honorer la mémoire de certains illustres martyrs. Ces figures historiques font partie de notre patrimoine national.

Au pied de la grotte, une vue imprénable sur la plaine de Nyambat 

Ngog Lituba c’est le miroir qui reflète la longue épopée des Basaa-Mpoo-Bati, suite à un périple dont le commencement se situerait dans la vallée du Nil, dans l’Egypte ancienne. La mémoire que garde ces lieux est trans-temporelle et trans-générationnelle. Le rocher de Ngog Lituba est là depuis la nuit des temps, il sera là jusqu’à la fin des temps. Ici se trouve la vallée des souvenirs les plus anciens de ces grandes communautés. Ici sont posées les fondations des pierres qui  s’imbriquent dans le ciment et le mortier fortifiant et solidifiant les liens entre plusieurs composantes de la grande mosaïque ethnique du Cameroun.
Dans les résultats de l’Inventaire Général du patrimoine immatériel, les Camerounais pourront peut-être trouver des solutions endogènes et mieux adaptées à leurs problèmes spirituels, sociaux, sanitaires, alimentaires, économiques, politiques ou culturels.

En effet, cette opération intègre les thématiques telles que la pharmacopée, la thérapie, la purification et les exorcismes traditionnels ainsi que les croyances, rites, rituels, initiations et représentations propres à nos sociétés endogènes. Autant de thématiques que maîtrisent les gardiens et tenants de nos traditions, chefs, patriarches, maîtres de la parole et de la vérité, généalogistes, grands initiés, etc.
Que serait en effet un monde sans repères spirituels, sans références religieuses ou sans croyances en des transcendances.
Face à la ruine des corps humains dont l’existence est passagère, face au matérialisme triomphant de certaines civilisations - dont Valéry disait quelles sont aussi mortelles – restera toujours la certitude de ce qui est durable, le spirituel, le religieux. Bref l’esprit immortel de l’immatériel. 

La danse des Minkuk


Mesdames et messieurs,    
Notre conviction est que le Cameroun est un immense réservoir de trésors artistiques et culturels. Chaque village, chaque groupement, chaque canton est un gisement de spécificités des précieuses mines patrimoniales. Ces mines de notre patrimoine matériel et immatériel doivent être explorées, exploitées, valorisées, car chaque composante sociologique de notre pays a sa part à prendre et à apporter dans le rayonnement culturel du Cameroun.
A cet égard, le Président Paul Biya, qui veut la culture en tant que vecteur de l’unité et de l’intégration nationale et facteur de l’insertion du Cameroun dans les échanges globaux du 21ème siècle et qui, dans son livre Pour le libéralisme communautaire, nous invite à « lier la gerbe de nos originalités ethniques et d’en faire le noyau de notre culture nationale » et à passer « d’une culture inconsciemment vécue à une culture librement assumée ».
Ne perdons jamais de vue l’avertissement de Malraux : « une culture ne meurt que de sa propre faiblesse ». La force de notre culture est certainement dans notre patrimoine matériel et surtout immatériel.
Aussi bien, le talent artistique, le génie culturel doivent toujours être au service d’un grand idéal pour l’humanité.
Chaque peuple a un message singulier à porter, à apporter au monde, comme en témoigne la substance de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la diversité des expressions culturelles.
L’UNESCO, qui a été fondée sur la foi de ce que « les guerres naissant dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes  qu’il convient d’ériger des défenses pour la paix ».  
Précisément,  les valeurs traditionnelles africaines, intègrent généralement la culture de la paix. Elles plaident ainsi pour un monde meilleur. Un monde de tolérance, de dialogue entre les cultures et les religions, de fraternité, de solidarité, de générosité et d’hospitalité. Un univers ouvert aux lumières et fermé aux ténèbres de l’obscurantisme et du fanatisme ; sans crimes, ni guerres, ni violences aveugles, ni luttes  fratricides ; sans terrorisme, ni extrémismes religieux, à l’instar de ceux qui ensanglantent dans la terreur la partie septentrionale de notre pays. Un monde où « l’invincible humanité de la culture » (Malraux) fasse fleurir la rose blanche de nos espoirs et de nos rêves dans le jardin immense  d’une planète terre, où l’homme est parfois responsable de la destruction de l’environnement, de la dégradation de la nature et des changements climatiques. 




 En s’inspirant de nos traditions, socle de nos identités culturelles, nous pouvons mieux servir le progrès.
La puissance d’un peuple se manifeste souvent par l’éclat de son génie, par la pertinence de son savoir faire, par la qualité de ses talents artistiques.
Le long récit de l’histoire humaine est marqué par l’empreinte d’hommes, de peuples et de nations qui, inspirés par un idéal éthique et matérialisant dans des œuvres remarquables, des valeurs esthétiques, ont enrichi, de manière éclatante, le patrimoine culturel de l’humanité dont la préservation est, pour la communauté internationale, une grande cause.

Aussi bien, mesdames et messieurs,

Pour terminer, je me permettrai trois recommandations que j’ai la semaine dernière formulées lors du Festival Culturel de Bambalang dans le Nord-Ouest:
La première : n’abandonnez jamais, ne reniez pas les valeurs positives de vos traditions. Celles- ci vous relient à votre histoire, à votre terroir et à votre mémoire collective.
La deuxième : ne dissociez jamais, n’opposez jamais ethnie et patrie. L’une est incluse dans l’autre. L’une vous rattache à l’autre.
La troisième enfin : ne vous repliez jamais sur vos micro identités communautaires, car l’ère des cultures closes est close. L’ère des cultures ouvertes est ouverte.
Pour que vive l’Inventaire Général du Patrimoine,
Vive la culture camerounaise,

Vive le Cameroun et son illustre Chef, le Président Paul BIYA.          


Un radieux coucher de soleil sur la Sanaga en guise d'au revoir. 
 Au premier plan, MALET MA DJAMI Mal Jam, le Maître des cérémonies. En arrière plan  BASSECK Ba KHOBIO (en casquette) et Benjamin Lipawing, Chef du village de Mansouh dans l'arrondissement de Ngambè-Tikar.