DISCOURS DU MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE POUR LE LANCEMENT DE L’INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL DANS LE LITTORAL
Le Pr Narcisse MOUELLE KOMBI (Camille MOUTHE A BIDIAS en arrière plan) (c) Photo: Laurentine Assiga- CT |
Nyanon le 27 février 2016
- Monsieur
le Préfet du Département de la Sanaga Maritime ;
-Monsieur
le Sous-préfet de l’Arrondissement de Nyanon ;
-Monsieur
le Maire de la Commune de Nyanon ;
-
Mesdames et Messieurs les Parlementaires ;
- Autorités
Traditionnelles, notabilités coutumières et patriarches;
-
Mesdames et Messieurs les Responsables politiques ;
-
Autorités religieuses ;
-
Distingués invités ;
-
Mesdames et Messieurs ;
L'évènement qui nous rassemble aujourd’hui est un moment que l’ardeur du soleil au firmament illumine de splendeur. Car là où le génie de l’homme se manifeste, brille toujours la lumière. La lumière pour montrer le chemin, pour guider sur les routes sinueuses et montueuses de l’arrondissement de Nyanon, dans la Sanaga-Maritime.
La
lumière qui a éclairé notre périple et qui nous a guidés maintenant, en ce village
de Nyambat où nous procédons au lancement, pour le compte de l’année 2016, de
l’Inventaire général du patrimoine culturel dans la région du Littoral.
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Une vue de la tribune |
L'évènement qui nous rassemble aujourd’hui est un moment que l’ardeur du soleil au firmament illumine de splendeur. Car là où le génie de l’homme se manifeste, brille toujours la lumière. La lumière pour montrer le chemin, pour guider sur les routes sinueuses et montueuses de l’arrondissement de Nyanon, dans la Sanaga-Maritime.
Cette
cérémonie inaugurale m’offre la sublime opportunité de vous dire combien est
intense mon plaisir et immense ma joie d’avoir, au nom du Ministère des Arts et
de la Culture, à donner ici même, le coup d’envoi d’une opération phare de la
feuille de route de notre département ministériel, telle que validée par le
Premier Ministre, Son Excellence Philemon Yang qui, dans sa présentation du
Programme économique, social et culturel du Gouvernement, a mis en exergue la
poursuite de l’Inventaire Général du Patrimoine.
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Carte de l'arrondissement de Nyanon. |
Je
suis d’autant plus heureux d’y assister, en compagnie de certains de mes
collaborateurs, que la consistance des activités est en parfaite résonance et
concordance avec les missions du
Ministère des Arts et de la Culture. Lui qui est voué au développement de la
créativité, à la préservation de la mémoire collective et à l’animation
culturelle du Cameroun, notre patrie,
qui est belle parce que plurielle.
Mesdames et messieurs,
Mesdames et messieurs,
Le ministre des Arts et de la Culture à la découverte de la grotte sacrée NGOG LITUBA. |
En effet, l’un des programmes les
plus importants de notre département ministériel est celui lié à la
conservation du patrimoine culturel matériel et immatériel, gage de la
préservation et de la valorisation de notre mémoire collective. C’est dans
cette optique qu’est engagé l’Inventaire Général du patrimoine. Une opération
qui s’appuie fondamentalement, d’une part sur la loi du 18 avril 2013,
régissant la patrimoine culturel au Cameroun et d’autre part sur deux instruments
conventionnels majeurs de l’UNESCO : la convention du 16 novembre 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel
qui, reconnaissant l’interaction
entre l’être humain et la nature et le besoin fondamental de préserver
l’équilibre entre les deux, définit le genre de sites naturels ou culturels
dont on peut considérer l’inscription sur la liste du
patrimoine mondial.
Et aussi la convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel.
Aux fins de la Convention de
1972, sont considérés comme éléments du patrimoine culturel matériel:
« Les monuments : œuvres
architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou
structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes
d'éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de
l'histoire, de l'art ou de la science.
Les sites : œuvres de l'homme ou
œuvres conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les
sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de
vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique ».
Sont
considérés comme « éléments du patrimoine naturel » entre autres:
« Les monuments naturels
constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de
telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue
esthétique ou scientifique ».
Je souligne qu’il appartient à chaque État partie à la présente Convention d'identifier et de délimiter les différents biens situés sur son territoire et constituant le patrimoine culturel ou naturel.
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Danseurs d'Assiko à l'oeuvre. |
Par Patrimoine culturel immatériel, selon la convention de 2003, il convient d’entendre « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ».
Ainsi défini, le Patrimoine
culturel immatériel, se manifeste selon la convention de 2003 notamment dans les
domaines suivants :
-
Les
traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du
patrimoine culturel immatériel ;
-
Les
arts du spectacle ;
-
Les
pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
-
Les
connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
-
Les
savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
Le sèkèlé, l’assiko, le bissima, le mbongo
tchobi, le ngambi, le nsong, etc. Certains rites de purification, de
bénédiction, de divination ou d’exorcisme pratiqués dans les champs du Mpoo, du
Mbog Liaa ou même du Ngondo ; le système des confréries, le concept de
métamorphose d’hommes en animaux, en font éminemment et évidemment partie.
Certains
de ces savoir-faire et pratiques culturelles sont en voie de disparition. C’est
pour cela qu’il est urgent de les identifier, de les cartographier et de les
sauvegarder.
Ce
travail d’inventaire du patrimoine dont les bases ont été posées il y a une
quinzaine d’années par le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono, alors
Ministre de la Culture, a été engagé dans l’aire Fang-Beti-Boulou et plus
précisément dans la région du Sud et a été amorcé dans les grass-fields
avec des séminaires de sensibilisation des chefs traditionnels.
Cette
opération mobilise diverses expertises : ethnologues, archéologues,
anthropologues, musicologues, botanistes, architectes, etc.
Vous
comprendrez pourquoi Ngog Lituba, lieu symbolique et emblématique, mieux que
tout autre site touristique dans la Sanaga Maritime, a retenu l’attention du
Ministère des Arts et de la Culture pour le lancement formel du projet
d’Inventaire Général du patrimoine dans la région du Littoral.
De
toutes les contrées du pays Basaa – Mpoo – Bati, vous êtes venus nombreux et enthousiastes.
Vous êtes partis de diverses localités du Cameroun et peut-être de l’étranger,
portés par l’ardeur et la ferveur, pour une communion fraternelle et ancestrale,
sur le site mythique de Ngog Lituba. Il
est exemplaire et salutaire, ce bel élan de solidarité, de convivialité et de
cordialité. Elle est louable, cette initiative de rassemblement en un lieu de
mémoire commune, des rejetons d’un même arbre généalogique, qui plonge ses
racines et déploie ses frondaisons dans au moins trois régions : le
Littoral, le Centre et le Sud et partant dans une dizaine de départements (dont
la Sanaga Maritime, le Nyong et Kelé, le Nkam, le Moungo, le Wouri, l’Océan, la
Mefou et Akono, le Mfoundi, etc.), à cheval sur les grandes aires culturelles
dites Sawa et Beti-Fang-Boulou. Une communauté dont l’habitat autochtone
s’étend des façades côtières et maritimes aux profondeurs de la forêt
équatoriale, colonisant monts et vallées, plaines et plateaux, côtes et
collines.
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Une vue de la Sanaga à Kikot. |
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Un paysage riche et varié. |
Cet
arbre généalogique, nul ne l’ignore, a porté tout au long des générations, des
fruits de délicieuses saveurs. C'est-à-dire des hommes et des femmes de qualité
et de grande renommée : artistes, écrivains, hommes de science,
universitaires, grands commis de l’Etat
Dignes fils et filles Basaa-Mpoo-Bati,
Réjouissez-vous,
de ce moment singulier de commémoration, de célébration et d’exaltation. Commémoration
du mythe des origines. Célébration de l’unité et de l’identité particulière
d’une communauté. Exaltation de valeurs traditionnelles et forgées par une
histoire immémoriale, de références spirituelles héritées d’une
transcendance immarcescible.
Nous
sommes ici à Ngog Lituba, point d’ancrage d’innombrables parentés, lieu de
convergence de multiples souvenirs, espace d’émergence de légendes, de mythes
et de cosmogonies qui structure la relation de l’être Basaa-Mpoo-Bati avec son
microcosme et son macrocosme.
Nous
sommes en un lieu de sacralité et de haute spiritualité. En un lieu où
s’affirment avec force l’originalité, l’identité et la singularité de la triple
entité Basaa-Mpoo-Bati.
Ce
lieu est un don du ciel. Comme le disait le grand sage chinois Confucius
« parce que le ciel est le fondement
de toute chose, les ancêtres sont le fondement de l’homme ».
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Une centaine de Bambombog et de Bapèpè étaient présents. |
Nous
savons les Basaa-Mpoo et Bati, comme d’autres communautés du Cameroun en
général et du Littoral en particulier, fiers de leur culture, profondément attachés
à leur identité et jaloux de leur patrimoine.
Nul n’ignore qu’au nom du patriotisme et de
l’attachement à leur patrimoine, de très nombreux fils de cette contrée ont
payé un lourd tribut à histoire. Beaucoup ont consenti parfois au prix de leur
vie, des sacrifices pour l’émancipation du peuple camerounais. La nation
incarnée par le Président Paul Biya, a eu à honorer la mémoire de certains
illustres martyrs. Ces figures historiques font partie de notre patrimoine
national.
Au pied de la grotte, une vue imprénable sur la plaine de Nyambat |
Ngog Lituba c’est le miroir qui reflète la longue épopée des Basaa-Mpoo-Bati, suite à un périple dont le commencement se situerait dans la vallée du Nil, dans l’Egypte ancienne. La mémoire que garde ces lieux est trans-temporelle et trans-générationnelle. Le rocher de Ngog Lituba est là depuis la nuit des temps, il sera là jusqu’à la fin des temps. Ici se trouve la vallée des souvenirs les plus anciens de ces grandes communautés. Ici sont posées les fondations des pierres qui s’imbriquent dans le ciment et le mortier fortifiant et solidifiant les liens entre plusieurs composantes de la grande mosaïque ethnique du Cameroun.
Dans
les résultats de l’Inventaire Général du patrimoine immatériel, les Camerounais
pourront peut-être trouver des solutions endogènes et mieux adaptées à leurs
problèmes spirituels, sociaux, sanitaires, alimentaires, économiques,
politiques ou culturels.
En
effet, cette opération intègre les thématiques telles que la pharmacopée, la
thérapie, la purification et les exorcismes traditionnels ainsi que les
croyances, rites, rituels, initiations et représentations propres à nos
sociétés endogènes. Autant de thématiques que maîtrisent les gardiens et
tenants de nos traditions, chefs, patriarches, maîtres de la parole et de la
vérité, généalogistes, grands initiés, etc.
Que
serait en effet un monde sans repères spirituels, sans références religieuses
ou sans croyances en des transcendances.
Face
à la ruine des corps humains dont l’existence est passagère, face au
matérialisme triomphant de certaines civilisations - dont Valéry disait quelles
sont aussi mortelles – restera toujours la certitude de ce qui est durable, le
spirituel, le religieux. Bref l’esprit immortel de l’immatériel.
Notre
conviction est que le Cameroun est un immense réservoir de trésors artistiques
et culturels. Chaque village, chaque groupement, chaque canton est un gisement
de spécificités des précieuses mines patrimoniales. Ces mines de notre
patrimoine matériel et immatériel doivent être explorées, exploitées,
valorisées, car chaque composante sociologique de notre pays a sa part à
prendre et à apporter dans le rayonnement culturel du Cameroun.
A
cet égard, le Président Paul Biya, qui veut la culture en tant que vecteur de
l’unité et de l’intégration nationale et facteur de l’insertion du Cameroun
dans les échanges globaux du 21ème siècle et qui, dans son livre Pour le libéralisme communautaire, nous
invite à « lier la gerbe de nos
originalités ethniques et d’en faire le noyau de notre culture nationale »
et à passer « d’une culture inconsciemment vécue à une culture librement assumée ».
Ne
perdons jamais de vue l’avertissement de Malraux : « une culture ne meurt que de sa propre
faiblesse ». La force de notre culture est certainement dans notre
patrimoine matériel et surtout immatériel.
Aussi
bien, le talent artistique, le génie culturel doivent toujours être au service
d’un grand idéal pour l’humanité.
Chaque
peuple a un message singulier à porter, à apporter au monde, comme en témoigne la
substance de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la diversité des expressions
culturelles.
L’UNESCO,
qui a été fondée sur la foi de ce que « les guerres naissant dans l’esprit
des hommes, c’est dans l’esprit des hommes
qu’il convient d’ériger des défenses pour la paix ».
Précisément,
les valeurs traditionnelles africaines, intègrent
généralement la culture de la paix. Elles plaident ainsi pour un monde
meilleur. Un monde de tolérance, de dialogue entre les cultures et les
religions, de fraternité, de solidarité, de générosité et d’hospitalité. Un
univers ouvert aux lumières et fermé aux ténèbres de l’obscurantisme et du
fanatisme ; sans crimes, ni guerres, ni violences aveugles, ni luttes fratricides ; sans terrorisme, ni
extrémismes religieux, à l’instar de ceux qui ensanglantent dans la terreur la
partie septentrionale de notre pays. Un monde où « l’invincible humanité
de la culture » (Malraux) fasse fleurir la rose blanche de nos espoirs et
de nos rêves dans le jardin immense d’une
planète terre, où l’homme est parfois responsable de la destruction de
l’environnement, de la dégradation de la nature et des changements climatiques.
En s’inspirant de nos traditions, socle de nos identités culturelles, nous pouvons mieux servir le progrès.
La
puissance d’un peuple se manifeste souvent par l’éclat de son génie, par la
pertinence de son savoir faire, par la qualité de ses talents artistiques.
Le
long récit de l’histoire humaine est marqué par l’empreinte d’hommes, de
peuples et de nations qui, inspirés par un idéal éthique et matérialisant dans
des œuvres remarquables, des valeurs esthétiques, ont enrichi, de manière
éclatante, le patrimoine culturel de l’humanité dont la préservation est, pour
la communauté internationale, une grande cause.
Aussi bien, mesdames et messieurs,
La première : n’abandonnez jamais, ne reniez pas les valeurs positives de vos
traditions. Celles- ci vous relient à votre histoire, à votre terroir et à votre
mémoire collective.
La deuxième : ne dissociez jamais, n’opposez jamais ethnie et patrie. L’une est
incluse dans l’autre. L’une vous rattache à l’autre.
La troisième enfin : ne vous repliez jamais sur vos micro identités communautaires, car
l’ère des cultures closes est close. L’ère des cultures ouvertes est ouverte.
Pour
que vive l’Inventaire Général du Patrimoine,
Vive
la culture camerounaise,
Vive
le Cameroun et son illustre Chef, le Président Paul BIYA.
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Un radieux coucher de soleil sur la Sanaga en guise d'au revoir. |
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